samedi 21 août 2010

SKATEBOARD 1979

C’était en 1979. Mes souvenirs d’enfance s’articulent beaucoup sur cette année là. J’en ai pourtant d’autres avant et après mais, curieusement, je me rappelle bien plus clairement ceux issus de cette année. Enfin, « curieusement », non. Cela correspond exactement à l’engouement français pour Goldorak, devenu véritable phénomène social et médiatique à cette période. C’est donc logique que ma mémoire soit plus claire. Goldorak me sert d’aide mnémonique.

Sorti du géant cornu, d’autres trucs cartonnaient également en France dans le domaine du loisir, dont le skateboard. Terminés les patins à roulettes (et non pas les latins à roup…) extensibles en acier, à quatre roues de couleur rouge, et qui se fixaient sur les chaussures avec des lanières de cuir ! Trop ringards ! Voilà la planche à roulettes ! Les pieds ne « collent » pas sur la planche. Un truc de fou !
Enorme succès dans tout le pays et le monde entier mais on s’en fout des autres. En France, la planche était devenue le nouveau truc à la mode et tous les moins de 20 ans se devaient d’en acheter une et, accessoirement, l’utiliser sous peine de ne plus exister. Le « tout nouveau tout beau » fonctionnait à plein régime. Sorti à la même période, le premier walkman de Sony faisait également des ravages et lorsque vous pouviez combiner skate + walkman, vous étiez un dieu vivant !
Le matraquage médiatique battait son plein. On voyait à la télé des reportages sur de petits génies de la planche enchaînant cabrioles et figures de style, faisant croire à tout le monde que c’était aussi facile que cela en avait l’air. Vous savez, c’est comme Valérie Damidot qui nous affirme, sans rire, qu’ajouter une mezzanine ou refaire les fondations de sa maison, c’est en-fan-tin ! T’as raison ma grosse !

Au Trocadéro, endroit très rapidement squatté par les fans de bidules à roulettes, et même encore maintenant, il y avait foule pour les regarder se jouer de la gravité ; ou la subir… C’est comme les courses de voiture tout ça, une partie du public est là pour regarder les petites tutures en plastique à un milliard d’euros pièce tourner en rond, et l’autre qui attend un accident ; pas forcément mortel mais tout au moins spectaculaire.
Et comme toute mode à gros succès, elle inspira même un film, devenu un nanar culte : Trocadéro Bleu Citron. Une histoire improbable où une mère de famille, jouée par la grande (dans tous les sens du terme) Anny Duperey, tente de convaincre les autorités que le skate est un truc vital pour les gosses. A voir absolument si sens de l’humour en rapport. A noter également une chanson sur le sujet, interprétée par Rika Zarai. Que du bonheur!

Moi qui ai toujours eu la meilleure mémoire du monde, mais avec tout le poisson pané que j’ai bouffé à cette époque, c’était normal, j’aurais pourtant dû me rappeler de mon premier épisode avec ce genre de moyen de locomotion. Je devais avoir 5/6 ans. C‘était donc encore relativement proche. C’était dans un square public de ma ville disposant d’une longue piste en ciment bien dure et plate. Les règles de sécurité draconiennes interdiraient ce genre de truc aujourd’hui, trop dangereux. D’ailleurs, elle a été démolie depuis.

On m’avait prêté des patins, le vieux modèle évoqué plus haut (le roller, la chaussure intégrée aux roulettes, n’existait pas encore). Tout content, je me les faisais fixer rapidement sur mes petits pétons par ma maman, n’en pouvant plus d’impatience, me voyant déjà fendre l’air à l’horizontal, exécutant sauts et autres acrobaties. Tu parles !
L’expérience dura moins de 20mn. Je n’avais jamais eu autant mal de toute ma courte vie. Au lieu d’acrobaties, j’enchaînais les gamelles les plus sévères les unes après les autres. Et cette putain de piste était dure, croyez-moi ! Evidemment, je n’avais aucune protection mais même avec ça, j’aurais dégusté quand même. Le dernier viandage fut fatal à mon envie de faire du patin. J’ai basculé en arrière et me suis cogné la tête sur la piste, toujours aussi dure. En larmes, chialant, morvant, souffrant et cuisant de rage (déjà…), j’enlevai ces maudits patins et les jetai le plus loin que je pus. Je ne voulais plus les voir. Ils étaient synonymes désormais de douleurs abominables. Comment pouvait-on s’entraîner ainsi jour après jour, à se casser la gueule, parfois très durement, juste pour pouvoir tenir sur quatre roues ? Il fallait être maso et aimer souffrir ! Ce n’était pas mon cas et ça ne l’a jamais été. Et comment ai-je pu penser que je pouvais y arriver ? Moi qui avais déjà bien du mal à rester en équilibre sur mes deux jambes ? J’avais déjà beaucoup morflé un an ou deux auparavant pour obtenir mon permis de conduire pour vélo à deux roues. Et il fallait remettre ça ? Mon cul !

J’avais oublié tout ça, me voyant (à nouveau) fendre l’air sur la planche et sans doute rattraper l’échec des patins. Le petit garçon, naïf diront les âmes charitables et très con pour les autres, se disait que la planche, ce serait plus facile et là, ça marcherait du premier coup. Pffff...

La planche fut achetée dans un Prisunic. 99 frs je crois. C’était celle-ci :


Orange, les roues bleues, larges, comme vous pouvez le voir sur cette photo trouvée sur le Net, cette planche schmoute bien les années 70. Cela dit, quand je vois la gueule des planches de maintenant, faisant croire qu’elles sortent du ghetto, j’ai pas l’impression que ça soit mieux…

Une fois la planche Kamikaze achetée, et ma maman remerciée par un bisou, je n’avais qu’une hâte, c’était de m’en servir. Direction le parc le plus proche et en avant la glisse ! Vite vite ! Faites place au Orange Surfer !...
J’ai jamais réussi à tenir debout dessus. Sauf quand elle ne bougeait pas, évidemment. Je pouvais la faire rouler mais uniquement si j’étais à genoux dessus, ce qui était totalement ridicule. J’ai rapidement largué l’affaire mais sans rage cette fois. J’avais pris de la bouteille depuis et je réalisais que ce genre de trucs n’étaient absolument pas faits pour moi. Je n’avais pas le talent ni aucune aptitude physique pour ça. C’est pas le tout d’avoir le super matos mais si vous n’avez pas la petite étincelle qui vous permettra de vous en servir, ça ne sert à rien. On n’a jamais creusé un trou plus grand avec une pelle en or. Je renonçai donc à aller plus loin. Pourquoi insister et ramer dans le sable ? Plus tard, j’appliquai ce sage conseil à tout le sport en général, allant même jusqu’à bricoler des certificats médicaux bidons pour pouvoir être dispensé de sport.

Je retrouvai par hasard les « joies » de la glisse lors de ma première sortie patinoire avec le collège, en 1983. Une après-midi entière ! Deux gamelles plus tard, parce que j’avais quand même essayé, je me déchaussai et tâchai de passer le temps le mieux possible à discuter dans les gradins avec d’autres cul-de-jatte comme moi, dont quelques filles, et c’était nettement plus enrichissant ! Je n’avais pas pu tenir sur des roues avant, ce n’était pas pour tenir sur des lames maintenant. En plus, il faisait froid.

Ma planche, désormais inutile, traîna dans ma chambre quelques temps, faisant partie intégrante de mon bordel, au milieu des Big Jim, Goldorak et autres cartables de gosse. Puis je l’ai mise dans mon armoire où elle est restée de longues années. Je crois me rappeler l’avoir balancée voilà trois ou quatre ans seulement. Je le regrette un peu désormais, elle était quasi neuve, mais bon, qu’en aurais-je fait ? Autant se débarrasser et faire de la place. Il n'y a qu'un seul sport de glisse que j'adore mais je ne peux pas en parler ici...

Petit diaporama de pubs d'époque à propos du skateboard:

Pif Gadget plongea tout habillé dans la mode du skate dès la fin 78 en proposant des gadgets plus ou moins en rapport. Le gamin sur cette photo illustre parfaitement ce à quoi devait ressembler un môme de cette époque. Ridicule? Oui, mais les clowns actuels en baggy, cheveux longs et gueules massacrées par les chutes et le shit, qui friment sur leur planche moderne, c'est pas mieux.

Le skate nécessitait tout à un tas d'accessoires en plus de la planche. Et comme je l'ai raconté, beaucoup investirent dans la tenue complète bien avant de savoir s'ils étaient capables d'en faire correctement...

Un jouet bizarre dont je ne comprends pas bien le but ni le mode d'emploi.

Tout pour ressembler à un skater !

Même Dim s'y est mis! Pa-pa-pa-pa-pa-paaaaaaaa...

Evidemment, et encore maintenant, le meilleur vecteur d'une mode restera la bouffe. Prosper sortit donc de sa tanière où il hibernait pour faire un peu d'exercice sur sa planche et tenter de nous écouler par la même occasion ses stocks de pain d'épice...

Et de la confiture...

Et des steaks à chier...


Bel échantillon de planches de l'époque et avec son bon de commande. Tentez votre chance, vous pourrez toujours dire que la Poste a eu du retard...

A l'ancienne...

Ça donne envie...

4 commentaires:

  1. Un témoignage poignant qui nous éclaire quelque peu sur les origines de cet amour inné pour l'Humanité qui vous vaut tant d'amitiés internautes! Pour ma part, ma grande maladresse de naissance m'a moi-même valu, d'une de ne JAMAIS avoir essayé le skateboard, et de deux d'avoir très jeune appris à détester les danseurs, les patineurs, les peintures de Degas et plus généralement tout ce qui est beau et bon en ce monde. Cela m'a fait beaucoup de bien!
    Depuis j'ai étandu cette haine aux enfants, aux femmes, aux facteurs, aux animaux, aux chanteurs de music-hall et à tout un tas d'autres choses dont il ne serait pas politiquement correct d'établir une liste ici.

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  2. Hé bien moi j'en ai fait beaucoup, du skate. Le problème, c'est qu'on arrive vite à un moment où pour progresser il faut faire des trucs de dingue, impliquant les gamelles qui vont avec (Sauter 2 marches, ça va. Se rater sur un "handrail" de 15 marches, ça fait un peu plus mal !). Moi je n'étais pas assez téméraire.

    Enfin bref. Tout ça pour dire qu'en parlant de vieux matériel, je suis tombé il y a quelques jours sur le site suivant :
    http://skateandannoy.com/features/ebay/
    ...et j'ai découvert qu'il y a toute une communauté de collectionneurs de vieux matériel.

    Donc la vieille planche quasi neuve était sûrement vendable, ce qui aurait peut-être permis le financement d'un nouveau jouet ?

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  3. Peut-être oui mais bon, passer une annonce, trouver un acheteur, négocier, envoyer le bidule ou l'amener etc. C'est beaucoup d'efforts pour finalement pas grand-chose, surtout que ma planche n'était pas un truc très pro mais achetée dans un supermarché alors... Si on commence à se dire qu'on aurait pu se faire un peu de blé avec tout ce qu'on a jeté, on risque de se pendre à la sortie.

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  4. Ha oui, ça remonte en effet.
    Que de souvenirs et de gamelles, mais moi aussi j'étais très fier d'avoir ma planche a roulettes en plastoc tout droit sortie du Prisu et qui devait couter 30 ou 40 Francs .
    Quelle bond en avant par rapport aux vieux patins en ferraille tout moches .
    Enfin pas grave a 14/15 ans le ridicule ne tuait pas

    Souvenirs, souvenirs

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