lundi 17 juin 2013

DEGUSTATION DE TANG - SEQUENCE BRICOLAGE

Le Tang. Les gens de ma génération ont tous bu des hectolitres de cette boisson américaine créée dans les années 50 et popularisée là-bas par les astronautes. Et qui dit « space food » dit « chimique de la mort ». Le Tang n’en était qu’un exemple de plus.


Quand on analyse la chose, on se dit que les mômes des années 60/70/80 furent de véritables cobayes pour la nourriture façon Tricatel qui commençait à envahir les supermarchés. Poissons panés dont la description de Coluche reste dans toutes les mémoires, pizzas épaisses de plusieurs centimètres avec juste un résidu de tomate essuyé dessus, cassoulet au ketchup…
Miracle de la science pour les uns, hérésie pour les autres, toutes ces merdes ont nourri des générations entières de gamins vivant dans les grandes citées urbaines, aussi bien à la cantine que chez eux. On se plaint que les gosses actuels grandissent grâce aux frites, mais la nôtre a poussé avec les boîtes et autres surgelés. C’est pas vraiment mieux.
Plaignons également nos mères qui nous faisaient de la bonne bouffe, avec amour, ayant le soucis de nous faire manger des légumes et de la viande rouge alors que nous ne jurions que par la purée mousseline la plus lyophilisée possible et autres raviolis au bœuf de cheval


Mais revenons au Tang. Pour mon cas perso, je n’en ai que très rarement vu chez moi lorsque j’étais gosse. Dans le même style, je me souviens très bien des bidons de sirops Teisseire ou Sport mais du Tang, pas vraiment. Ma mère avait dû se méfier de ce truc dès le début. On était beaucoup plus naturel à la maison, avec de vraies oranges à presser soi-même. Faire son propre jus à l'ancienne, avec le presse-citron d'époque, c’est une façon de l’apprécier encore plus à la sortie.
Donc, pas de Tang. Mais j’eus un cours de rattrapage à l’école primaire en CM1, année 81/82. Une utilisation perverse de la chose, rapidement devenue une mode, envahissait la cour cette année là. Elle consistait à acheter des sachets de Tang et à les consommer pur. Je vous vois grimacer. Oho, c'était bien pire que ça.
Le service se passait ainsi. Le proprio des sachets passait devant ses fidèles qui, les mains ouvertes, attendaient de recevoir leur hostie en poudre. Puis, reconnaissant, nous léchions avidement l'offrande divine. C’était infect, piquant, horrible, mais c’était drôle et puis tout le monde le faisait alors… A la sortie, nos mains étaient toutes poisseuses. On devait se les laver dans les lavabos de l’école, avec le savon jaune en forme de poire qui ne lavait rien du tout d’ailleurs et laissait une odeur infecte sur la peau. C’est à peine si on ne préférait pas les laisser dans le triste état que le Tang les avait mises. C’est un souvenir très amusant pour moi tout ça.



Le Tang disparut des rayons français au début des années 90. Deux versions circulent à ce sujet, la première est une interdiction pure et simple des autorités françaises car le produit fut jugé trop chimique. La seconde est un abandon de la maison-mère, Kraft Foods, l'une de ces boîtes qui dirige le monde d'ailleurs, pour cause de faibles ventes dans notre pays. Toujours est-il que, si nous ne pouvons plus trouver les précieux sachets en France depuis une vingtaine d'années, l’Espagne ou le Portugal, eux, en vendent toujours.
Un ami bordelais m’en avait procuré en 2006 lors d’une de ses virées hispaniques. Il m’avait envoyé le tout par courrier ensuite. Je n'avais même pas besoin d'ouvrir l’enveloppe pour savoir que c'était bel et bien ça. Il suffisait de secouer le tout et ça faisait « tstststststststs ». Comme quoi, on peut envoyer n'importe quoi par la Poste. Ça aurait tout aussi bien pu être du sable ou du crack, aucun problème, du moment que c'est bien affranchi…
J’en avais fait un test grandeur nature sur un forum que je fréquentais à ce moment-là. Cela avait eu son petit succès mais hélas, l’hébergeur des photos a sauté entre temps et j’ai tout perdu. Avec la création de ce blog en 2009, j’attendais donc d'en retrouver afin de refaire ce test ici même.
L'an dernier, j'avais pourtant bon espoir. Apprenant que ma mère partait faire bronzer ses petites pattes du côté de la frontière espagnole, je la chargeais de me trouver les précieux sachets. Fiasco, il n'y en avait pas.
Bon, vous commencez à me connaître, si j’en avais vraiment voulu, j’en aurais commandé de suite sur un des nombreux sites proposant de la bouffe inédite en France, mais je n’allais pas dépenser des fortunes pour un simple caprice non plus. Ce n'était pas vital. Et parfois, le hasard comble tout seul nos envies, il suffit simplement d’être patient.

Début juin 2013, une soirée sympathique dans le 12e arrondissement entre un gars brun et une fille blonde. Petit repas improvisé autour d’une salade de concombres préparée non sans mal, mais pas sans bien non plus, d’un pain-maison et de quelques douceurs fromagères. Discussions diverses et variées et, étant tous deux de la même génération, le sujet part sur les boissons d’époque puis le Tang. Et le gars de déclarer qu’il aimerait bien en trouver. Et la jolie blonde sort :
- Mais j’en ai du Tang moi !
Illumination ! Energique de nature, elle décide de suite de prouver ses dires, saisit au collet une innocente chaise, grimpe dessus, ouvre un placard en hauteur, fouille dedans, se cogne la tête dans la porte mais exhume tout de même ses deux derniers sachets de Tang d’origine portugaise ! Cadeau ! J’allais pouvoir enfin refaire ce test. Merci ma blonde.


Préparation du matos. Une carafe d'eau fraîche, un verre, une cuillère, une soucoupe, un plateau et les deux sachets de Tang évidemment.


J'était prêt à me sacrifier pour faire de l'audimat mais en lisant la composition au dos du sachet, je commence à me poser des questions...


Ça a beau être écrit en klingon, on comprend tout de même. Acide citrique, acidifiants, arômes, régulateurs d'acide, édulcorants, colorants, acide de batterie, sucre, sucre, sucre... Où sont les oranges? Y'a quand même de la vitamine A et C. On n'aura pas tout perdu...


Je mets un peu de poudre dans la soucoupe. On dirait de la semoule. Et quelle couleur! Ça flashe! C'était donc ça le fameux agent orange au Vietnam?...


Soyons fou! Je mouille mon doigt et je le plonge dans le petit tas de drepou. Ma peau ne se dissout pas. Je suis déçu...


Voici mon doigt après l'avoir sucé longuement! C'est incroyable le pouvoir colorant de ce machin! A goûter comme ça pur, c'est pas dégueulasse. Ça ramone les papilles. Comme en 1981! Pour les amateurs de trucs acides, c'est le pied. Par contre, ça ne colle plus aux doigts. Ça vous décolore la peau à vie mais ça ne colle plus. La formule a dû être remaniée, tout au moins pour pouvoir être vendable légalement. Le vrai Tang, que j'ai connu avant, doit servir désormais de désherbant ou de combustible nucléaire. Tout fout l'camp, moi j'vous l'dis!


Je remplis le verre d'eau avec la poudre de la soucoupe. Beuhhh, on dirait un médicament...


Une minute de touillage plus tard, ça a déjà une meilleure gueule.


Ça a fondu, ou presque. Allez, je trinque. A la mienne! Pourvu que je survive...


Une grosse gorgée plus tard, je constate que je vais bien et que je ne suis pas devenu aveugle. Question goût, c'est pas mauvais. On sent bien que c'est à base de pétrole mais bon, ça se boit. Notez le cercle de sucre et de produits chimiques qui s'est formé en haut du verre montrant la quantité bue.


On parle, on parle et puis on s'aperçoit qu'on a déjà tout bu, les ravages de la boisson... Jetant un oeil rapide dans le verre, je fais une constatation qui me glace le sang.


Regardez le sucre qui reste au fond du verre une fois vide. Dingue! Je pense que je viens de rejoindre le club des diabétiques là en l'espace de 5 mn.


Je verse tout le reste du sachet dans la carafe et là, un nuage de poudre très fine, celle du fond du sachet, s'élève et me prend à la gorge! Je tousse comme un tuberculeux! J'en réchappe de justesse. Le Tang est une arme chimique dangereuse. Si la boisson diluée ne vous a pas tué, la poudre le fera sans nul doute! Quand je pense au fric que les pays dépensent pour s'équiper en armes de destructions massives. Balancez un baril de Tang sur une ville, c'est propre, net et sans bavure!


Ça se décolore et la couleur n'est pas très appétissante...


Je pense à des histoires de drains et autres poches de pus... Argh!


Dans la bouteille, la réaction chimique s'amorce et ça ne rigole pas. Le fond de la centrale de Fukushima, c'est rien à côté de ça...


La transformation se fait rapidement. Le Tang, c'est de l'alchimie...

Dans le goulot, des traces de poudre qui n'ont pas voulu se dissoudre ensuite, même en renversant la carafe! Incroyable. Bilan. Le Tang, c'est le Coca Cola en version Pif Gadget. Coca Cola, parce que c'est aussi nocif et on le sait, mais c'est bon quand même, alors on en boit. Et Pif Gadget, parce qu'on bricole soi-même sa boisson et ça amuse les gosses ou les idiots dans mon genre. Après ce test, j'ai eu très soif. Quel paradoxe, c'est censé désaltérer mais ça donne encore plus envie de boire. C'est le sucre ça. J'ai eu un goût assez affreux dans la bouche aussi. Autre observation, le verre de la carafe a été décolorée en jaune façon curry une fois vide. Et malgré un abondant lavage et rinçage, c'est resté. Imaginez l'état de mes boyaux...

4 commentaires:

  1. Ah ! Quelle merde ... Mais bon souvenir tout de même, ma mère en a acheté des barils de cette daube.
    Tu peux remercier ton divorce sans lequel tu n'aurais jamais retrouvé le Tang. Elle est pas belle la vie ?

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  2. MDR tu ne fais pas les choses à moitié quand tu fais des expériences scientifico-mémoriels !
    Très drôle ces souvenirs de CM1 : "Mais enfin Maître, quelle est donc cette secte étrange ?" LOL

    PS : j'ai toujours un savon jaune sur mon mur de cuisine, il sert tous les jours ! Souvenirs, quand tu nous tiens ! ^^

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  3. PS : marrant la première pub que tu as mise en lien est celle de mon profil Daily (Odilederey c'est moi, aussi !)

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